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23/07/2016

Pourquoi lui?

Francis Delphy, sous-marin, aventures, bande dessinée, mer

Histoire d’une histoire

CONSTATATION

De l’inconscience ? Plus qu’un grain de folie ? De la passion, c’est certain.

J’ai déjà écrit deux romans, et réalisé trois bandes dessinées de 186 pages chacune, lisibles sur mon blog, puis bientôt sur un site internet. Mais au moment où je les sens prêts, je bloque. Quelque chose en moi refuse de faire le pas pour accéder à la publication. Je manque de couilles pour aller plus loin.

Logique, je n’en ai pas. Mais lui…

Celui dont je raconte ces étranges histoires est un homme, au physique solide et sympathique. Il est mon double masculin. Je l’ai dans la peau avec une facilité déconcertante. Je le connais mieux que moi-même : les traumatismes de son enfance, ses doutes, ses passions, la plus discrète de ses émotions, les êtres qui ont marqué sa vie, ses projets réalisés ou non, même ses rêves. Quarante ans de son existence émergent en moi comme une immense vague de fond. Quatre ans bientôt que je décris en mots et dessins cette fascinante destinée que je mûris en secret depuis… plus de quarante ans!

Cette idée a germé dans ma tête alors que j’avais quatorze ans. Elle s’est souvent endormie, mais n’a jamais voulu que je l’oublie. Au contraire, à plusieurs reprises, elle s’est imposée. M’a tenu durant quelques mois. Ce que je croyais être ma raison me dictait de ne pas insister, que je n’irais pas bien loin avec ce personnage fictif. Mais à force de récidive, Francis Delphy a gagné. Il existe. Je le crée à chaque instant. En conduisant, en marchant, dans le bus, en préparant le repas, dans mon lit, en dormant, et j’écris, carnet après carnet, sans répit. Car arrêter me semble inconcevable. Une addiction. Affolante. Cette folie me dépasse. Je refuse le sevrage. Il me tuerait. Je suis persuadée aujourd’hui que le jour où Delphy meurt, je perdrai mon souffle. C’est ainsi. Un amalgame complètement hors norme, excessif, envahissant et jouissif. Je ne veux rien laisser passer. Rien ne me conduira au renoncement. Pour qui ? Pourquoi ? Continuer à vivre dans cette société où le profit induit une destruction systématique de la nature qui nous nourrit ? Et crier à qui veut l’entendre ma détermination à rester un être double, mais complet.

Difficile à accepter, et encore plus de faire le pas pour partager cette exubérance avec le monde. Tout le monde. Pas les gens que je pourrais croiser dans un salon du livre, mais les collègues, la famille « bien pensante ». Ceux qui, au-delà de mon texte, découvriraient la vraie personne qui se cache dans ma tête. Lui en moi… ou l’inverse. Affronter au quotidien ces regards incompréhensifs, consternés, intolérants, ironiques, agressifs, accusateurs. Assumer ma dualité et la défendre. Non, pas la justifier, mais la constater comme un état d’être incontournable. Une particularité de ma personnalité qui me donne envie de construire sur cette idée étrange : celle de créer un personnage avec tant de réalisme qu’il finisse par exister.

Alors ma vie devient deux vies, et toutes les deux valent la peine d’être vécues. La vraie car je l’aime, pour les expériences qu’elle m’apporte, pour les êtres que je rencontre. Ceux que je serre dans mes bras, ceux que j’écoute, ceux avec lesquels je partage de fortes émotions, bonnes ou mauvaises. Et la vie de l’autre, Francis Delphy. Son corps que je ne devrais connaitre que de l’extérieur mais que j’apprends à ressentir, et son esprit tortueux et torturé parfois certainement très proche du mien.

 Cet homme possède tellement de qualités qu’elles en deviennent des défauts. Il en souffre, mais il refuse de les abandonner. Céder à l’égoïsme le tuerait au sens propre comme au sens figuré. Il est victime de son amour inconditionnel. J’aimerais être aussi bonne que lui.

 

Carine Racine, fin juillet 2016